Voici une intéressante contribution d'Hella et Sylvain Reboul pour ouvrir cette nouvelle catégorie sur les élections en Allemagne. Merci à eux pour avoir eux la gentillesse d'écrire cette note. N'hésitez pas à laissez vos commentaires sur cet événement qui est déterminant pour l'avenir de l'Europe.
POUR COMPRENDRE LES ELECTIONS EN ALLEMAGNE, IL FAUT SAVOIR:
1) Que le chancelier est élu par la chambre nouvellement élue des députés (Bundestag) ; donc selon le mode du suffrage indirect.
2) Que l’élection des députés se fait selon un système très complexe qui associe la proportionnelle et le vote majoritaire de la manière suivante : chaque électeur des 299 circonscriptions dispose de deux voix , l’une pour choisir entre les listes établies par les partis dans sa circonscription et l’autre pour un candidat direct (qui n’a aucun suppléant) qui sera élu s’il détient la majorité, même relative ; chaque électeur peut donc voter pour la liste d’un parti et pour le candidat direct d’un autre parti. La moitié des députés est élue sur liste et l’autre directement. Si à la proportionnelle une liste doit obtenir un certain nombre de députés et qu’elle a plus de députés directs elle garde ce surplus et on ajuste ensuite le nombre des députés des autres listes en conséquence pour préserver les proportions initiales dégagées par la proportionnelle; Ce qui fait que le nombre total de députés peut varier d’une élection législative à l’autre. Enfin, un parti doit avoir 5% des voix ou avoir trois élus directs au moins pour être représenté à la chambre des députés (Bundestag).
QUELLES INCIDENCES A CE MODE DE DESIGNATION DU CHANCELIER SUR LE SCRUTIN DU 18/09/05 ? La première incidence est que la proportion entre les députés des différents partis, compte tenu des résultats proportionnels très serrés n’est pas (le 19/09) encore déterminée (able) compte tenu du fait qu’une circonscription de Dresde ne votera que le O2/10/05 suite au décès d’une candidate du NPD (extrême droite); il n’ y a pas en effet de suppléants des candidats directs dans le système électoral allemand. Les électeurs de cette circonscription (220000,) connaissant les résultats nationaux, pourront donc faire la différence et ce avec l’accord de pure forme de la cour constitutionnelle ; ils doivent élire 3 députés alors que la différence actuelle entre le SPD et la CDU-CSU est précisément de 3 députés au bénéfice provisoire de cette dernière. Mais le nouveau parti dit de gauche promet de contester cette élection éventuellement décisive devant la même cour (qui ne s’est pas encore prononcée su le fond), après les élections. Et cela promet en effet ! La seconde, la plus importante, est que compte tenu des résultats très serrés (un point d’écart à la proportionnelle entre les deux grands partis CDU-CSU/SPD) 3 coalitions sont possibles pour faire un majorité parlementaire et donc élire un chancelier, dès lors qu’aucune prévue (SPD-verts ou CDU-CSU-FDP) n’est aujourd’hui possible :
• Grande coalition SPD/ CDU-CSU ;
• Coalition CDU/CSU, FDP (libéraux), Verts ;
• Coalition dite « feux de circulation » SPD rouge, FDP(libéraux) jaunes,Verts)
Une seule semble exclue : celle qui inclurait le nouveau parti dit de gauche amalgamant les anciens communistes de la DDR (ex-Allemagne de l’EST), des alter-mondialistes ainsi que des déçus de la SPD (dont certains dirigeants syndicalistes) emmenés par Oscar Lafontaire ex-président du SPD et pendant quelques mois super-ministre de l’économie et des finances de Schröder en 98. Mais cette exclusion du parti dit de Gauche (Linkspartei) pourrait être contournée par une coalition minoritaire SPD/Vert qui ferait appel à eux pour être élue et qui jouerait à l’occasion avec la FDP, voire avec la CDU/CSU pour faire passer telle ou telle décision législative. Donc il pourrait se faire qu’une coalition SPD-Verts se mette en place qui serait minoritaire en droit mais qui en fait jouerait sur des majorités variables au cas par cas (proposition de Daniel Cohn-Bendit), auquel cas Schröder resterait Chancelier et maître du jeux politique, comme il a déclaré qu’il en a l’intention au soir des résultats.
Un dernier point mérite d’être souligné : la chambre haute en Allemagne (Bundesrat) qui représente les différents « Länder » (ou régions autonomes) dispose constitutionnellement d’un droit de veto à propos de tout texte concernant leurs compétences. Or comme celles-ci sont très nombreuses et qu’elles sont par eux considérées comme extensibles, le Bundesrat peut faire barrage à toute décision de la chambre des députés. Quand la majorité au Bundesrat est contraire à celle du Bundestag alors le blocage est presque assuré en période préélectorale ; c’est ce qui a justifié, entre autres raisons subtiles, le recours par Schröder à des élections anticipées le 18/09. Les électeurs allemands malgré le score élevé du FDP (plus de 10%°) ne sont pas prêts à tenter l’aventure de l’ultra-libéralisme. Schröder a incontestablement remporté une victoire contre Merkel par rapport aux prévisions, mais rien n’est joué…Regonflé, il aura besoin de tout son sens politique -et il est impressionnant- pour gagner la chancellerie à l’arraché avec on ne sait encore qui. Quant à Merkel elle semble politiquement assez décrédibilisée à l’intérieur même de la coalition CDU-CSU/FDP.
Pour compléter ces informations:
- écouter et lire le dossier spécial de France Inter
- Le site d'ARTE sur les élections
- voir le dossier de l'Observatoire des Elections d'Europe de la Fondation Robert Schuman
À ajouter à notre texte, merci
3)Que le parlement ne peut pas censurer le gouvernement sans avoir les 2/3 des mandats et une coalition substitutive majoritaire et que, sauf l'exception de la motion de censure demandée par le chancelier actuel, nul ne peut contraindre un chancelier à démissionner sans une majorité des 2/3 ni coalition substitutive.
Rédigé par : Sylvain Reboul | 21/09/2005 à 11:09